Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/231

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aucun bruit, la solennité de la circonstance force instinctivement chacun à marcher sur la pointe des pieds, en balançant les bras… Dans la salle, tout est prêt. Le père Eumène, petit vieux, en haute calotte de velours déteint, endosse une chasuble noire. Le diacre Konkôrdiév, rouge comme une écrevisse, déjà revêtu des habits sacerdotaux, tourne doucement les pages d’un rituel et en marque certaines avec des bouts de papier. Sur la porte de l’antichambre, le sacristain Loûka, les joues fortement gonflées et les yeux saillants, allume l’encensoir. La salle s’emplit insensiblement d’une fumée transparente et bleuâtre et de l’odeur d’encens. L’instituteur Hélikônnski, en redingote neuve mal faite, plein de gros boutons sur sa figure effarée, distribue à chacun des cierges sur un plateau nickelé. Lioûbov Petrôvna, devant la petite table sur laquelle est le gâteau de riz bouilli que l’on fait pour les cérémonies funèbres, tient par avance son mouchoir appliqué sur sa figure. Dans toute la salle, un silence que coupent de temps à autre des soupirs… La figure de tous les assistants est solennelle et grave…

Le service commence. Une spire de fumée bleue monte de l’encensoir et joue dans un rayon oblique de soleil ; les cierges allumés grésillent doucement. Le chant, d’abord assourdissant et rude, se fait vite harmonieux et doux dès que les chantres se