Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/27

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faim ou des mauvais traitements de leurs infirmières, il était tout confus et murmurait d’un air de faute : « Bon, bon, nous verrons cela… Il doit y avoir un malentendu… »

Dans les premiers temps, André Efîmytch travailla avec beaucoup de zèle. Chaque matin, jusqu’après midi, il consultait et opérait, et allait même faire des accouchements en ville. Les dames disaient qu’il était très attentionné et qu’il diagnostiquait fort bien les maladies, surtout celles des femmes et des enfants. Mais à la longue, la médecine l’ennuya manifestement par sa monotonie et par son inefficacité tangible. Vous consultez aujourd’hui trente malades, demain il y en aura trente-cinq ; après-demain quarante. Ainsi de jour en jour, et d’année en année. La mortalité, pourtant, ne diminue pas, et les malades ne cessent de venir. Donner une aide sérieuse à quarante malades que vous voyez avant dîner, c’est physiquement impossible : quoi que vous en ayez, ce n’est donc que duperie. Si, au bout de l’année, d’après les relevés, il est venu à la consultation douze mille malades, vous avez, à raisonner simplement, trompé douze mille personnes. Isoler dans une salle les gens sérieusement malades et s’occuper d’eux selon les règles de la science, c’est aussi impossible ; car il y a bien des règles, mais pas de science. Et si, cessant de philosopher, on suit les règles à la