Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/32

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sans interruption et ne le fatigue pas. Il lit avec moins de hâte et de fougue que ne le faisait jadis Ivan Dmîtritch : il lit, au contraire, lentement, avec pénétration, s’arrêtant aux endroits qui lui plaisent ou qu’il ne saisit pas. Il a auprès de lui, quand il lit, un carafon de vodka, un concombre salé ou des pommes fermentées, posées à nu, sans assiette, sur le tapis de la table. Chaque demi-heure, sans lever les yeux de dessus son livre, il se verse un petit verre de vodka et le boit ; puis, toujours sans regarder, il atteint en tâtonnant le concombre et en grignote un morceau.

À trois heures, il va avec circonspection à la porte de la cuisine, toussote et dit :

– Dâriouchka, si l’on me faisait dîner…

Après son repas, assez mauvais, et peu propre, André Efîmytch marche dans sa chambre, les bras croisés, et songe. Il sonne quatre heures, puis cinq heures. André Efîmytch marche toujours et songe. De temps à autre, la porte de la cuisine grince, et le visage rouge et endormi de Dâriouchka apparaît.

– André Efîmytch, n’est-il pas temps de vous servir la bière ? demande-t-elle d’un air soucieux.

– Non, pas encore, répond André Efîmytch. J’attendrai… J’attendrai encore…

Vers le soir, arrive, habituellement, le maître de poste Michel Avériânytch, le seul homme de la