Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/49

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Mais vous pouvez être assuré, cher monsieur, qu’il viendra des temps meilleurs ! Je puis m’exprimer trivialement, moquez-vous, mais l’aube luira d’une vie nouvelle : la justice triomphera ; il y aura fête dans notre rue ! Je ne le verrai pas ; je serai crevé ; mais les petits-fils de quelqu’un le verront. Je les salue de toute mon âme et je me réjouis. Je me réjouis pour eux ! En avant ! Que Dieu vous aide, mes amis !…

Ivan Dmîtritch, les yeux brillants, se leva et, tendant les mains vers la fenêtre, il poursuivit avec feu :

– De derrière ces grilles, je vous bénis ! Vive la vérité !… Je me réjouis !

– Je ne trouve pas qu’il y ait lieu de se réjouir, dit André Efîmytch, à qui le mouvement d’Ivan Dmîtritch parut théâtral, et qui cependant le goûta… Il n’y aura plus de prisons et d’asiles d’aliénés, et la vérité, comme vous avez daigné le dire, triomphera. Mais voilà ! la nature des choses ne sera point changée. Les lois de la nature resteront les mêmes. Les gens souffriront, vieilliront et mourront comme maintenant ; quelle aube splendide n’aura pas illuminé votre vie, mais au bout du compte, on vous clouera dans le cercueil et on vous jettera dans la fosse !

– Et l’immortalité ?

– Ah ! de grâce !