Page:Tcheng Kitong - Le Theatre des Chinois, 1e ed. Calmann Levy, 1886.djvu/241

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paisible, (Il s’endort et parle en rêvant.) Les voilà ! les voilà !... Comme ils sont nombreux !... Ils apportent des pioches... « Qu’avez-vous besoin de vos outils ? Il n’y a dans la maison ni étage à élever, ni mur à démolir... Pourquoi creusez-vous sous le seuil de la porte ?... » J’ai beau parler, ils n’entendent pas... Ils vont enlever la pierre qui est au bas de l’ouverture ; ils trouveront mon argent... Les brigands ! les brigands !... Oui, j’en vois un qui tient un poignard... Celui-ci lève son cimeterre : c’est pour me couper la tête, prendre mon argent après. Au secours ! au Secours ! (Il se réveille et tombe par terre.) Ah ! c’était Un rêve... J’entends le tambour. (On bat la cinquième veille, le coq chante.) Il fait jour et je n’ai pas dormi de la nuit... Lo-Ho, mon ami, réfléchissons un peu... J’avais caché mon argent dans la fontaine et j’ai rêvé qu’une grande inondation avait submergé tout le pays ; je l’avais serré dans ma ceinture et j’ai rêvé qu’un passant s’approchait de moi pour me le dérober ; je l’avais mis dans l’âtre de la cheminée et j’ai rêvé que le feu prenait à la maison ; enfin, je l’ai enterré sous le seuil de la porte et j’ai encore rêvé qu’un brigand, armé d’un cimeterre, s’apprêtait à me couper la tête. Oh ! que cet argent-là m’a fait de mal ! Quand je songe que le seigneur Long, mon maître, a des coffres remplis d’argent et qu’il s’en trouve bien, lui ! Il en a par centaines, par milliers ; et, avec tout cela, il dort absolument comme s’il n’avait rien. Pourquoi ? La raison, c’est la destinée ! Oui, c’est la destinée du seigneur Long d’avoir de l’argent, beaucoup d’argent, comme c’est la destinée de Lo-Ho de cribler le froment, de laver le froment, de moudre le froment, de bluter, de bluter toujours. Allons, allons, prenons cet argent et rendons-le au seigneur Long.