Page:Tcheng Kitong - Le Theatre des Chinois, 1e ed. Calmann Levy, 1886.djvu/246

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pour lui-même ; il sent le tort qu’il fait à sa dignité, il sait qu’il s’abaisse dans sa propre estime, et que c’est un vilain rôle qu’il joue là ; mais — après mûre réflexion, — il découvre que ce n’est pas son affaire ; le coupable, ce n’est pas lui, c’est l’autre, le dupé, le gagné, puisqu’il veut à tout prix être gagné. Ah ! que c’est donc joli ! « Monsieur, je vous demande pardon : je vais vous duper ; mais ce n’est pas ma faute, c’est la vôtre : voyons, pourquoi voulez-vous que je vous trompe ? C’est très mal ! » Et le pauvre bonhomme, qui n’y comprend rien, se confond en excuses, comme ces gens à qui on écrase le pied et qui vous répondent bêtement, quand on leur demande naïvement si on leur a fait du mal : « Oh ! non, au contraire ! » C’est instinctif chez beaucoup de personnes, mais c’est vraiment merveilleux.

Oui certes, l’œuvre du grand comique est une démonstration parfaite de la proposition de Voltaire, et la conviction est si forte, que la seule ressource d’un esprit attentif est de se demander s’il sera le dupeur ou le dupé. C’est la morale