Page:Tellier - Les Deux Paradis d’Abd-er-Rhaman, 1921.djvu/43

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transformer en femme. Et ce paradis est l’œuvre d’un rêve opposé en tout à celui des chrétiens : l’homme en le créant a bien vu qu’entre Dieu et lui, c’est lui qui est le faible, et que le faible a droit à l’égoïsme ; et sans chercher à faire quelque chose pour l’Éternel, avec une hardiesse d’enfant, il a signifié à l’Éternel de tout faire pour lui. Là, le but poursuivi n’est pas la gloire du Créateur, mais le bonheur de la créature ; les choses ne sont point tournées vers le Tout-Puissant pour lui chanter des louanges dont il n’a que faire, mais vers les atomes pour leur donner la joie dont ils ont tant besoin ; et loin que l’homme doive se détacher de sa personne pour se donner à Dieu, il semble que ce soit Dieu lui-même qui se multiplie sous toutes les formes sensibles afin de se donner à l’homme.

Çà et là, des bienheureux étaient couchés nonchalamment au pied des arbres, les uns seuls, et les autres avec des femmes sans voile, aux yeux noirs, qu’Abd-er-Rhaman comprit être des houris. Deux anges vinrent au-devant du tâleb, et le conduisirent sous l’immense arbre El-Mentaha. Là était dressée une longue table faite d’un seul diamant ; et, autour de cette table, des milliers de bienheureux, tous vêtus de longues robes