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Page:Tellier - Les Deux Paradis d’Abd-er-Rhaman, 1921.djvu/45

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— « Voilà le paradis qui vous fut promis en récompense de vos œuvres ! »

Pendant beaucoup de jours, la promenade dans le jardin l’emplit du même bien-être, l’eau de Selsibil lui donna le même enivrement, et les vierges célestes lui inspirèrent la même ardeur. Bien des soirs encore il rentra dans sa perle creuse avec quelque houri d’une des quatre espèces qui sont au ciel. Puis arriva le dénoûment fatal. Un jour, il eut moins de goût pour les ombrages, et moins d’empressement à boire l’eau merveilleuse ; et le soir, il dut s’avouer qu’il était las des vierges rouges autant que des blanches, et des vierges jaunes autant que des vertes.

Abd-er-Rhaman, ce soir-là, se promena seul à travers les allées sombres, et il chercha à s’expliquer l’inquiétude qui l’oppressait. En y songeant, il lui sembla que c’était de la plénitude même de sa satisfaction que venait tout son mal. Il aurait voulu qu’il lui manquât au moins une chose, pour la désirer ou pour la chercher, pour connaître encore la volupté de rêver ou la ressource d’agir. Mais la jouissance était toujours là, implacable, et elle supprimait tout à elle seule. Elle rendait le rêve impossible et l’action inutile. Elle tuait l’un et faisait avorter l’autre. Aussi, l’âme d’Abd-er-Rhaman se vidait peu à