Page:Termier - Marcel Bertrand, 1908.djvu/41

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temps et où l’on croyait voir, ainsi que d’une autre planète, la lente et continuelle transformation du relief terrestre. Et, comme il arrive à tous les savants vraiment dignes de ce nom, qui ne sont jamais contents d’eux-mêmes et qui se méfient toujours de leurs propres idées, son enseignement lui servait beaucoup. C’est en essayant d’exposer à ses élèves les théories géologiques nouvelles dont il s’était fait le protagoniste qu’il apercevait les parties faibles de ces édifices. Il s’efforçait alors de prévoir, et de prédire, par quelles observations ultérieures on pourrait décider de leur abandon définitif, de leur reconstruction partielle, ou de leur utilisation intégrale et durable.

Dans tous les sujets qu’il a abordés, il s’est révélé, tôt ou tard, et presque toujours immédiatement, un véritable maître, et qui ne ressemblait à aucun autre. Aucun autre n’avait, au même degré, ce besoin impérieux et quasi natal de la grande lumière, ce goût et ce don de l’exacte observation sur le terrain, cette perspicacité presque divinatrice dans l’interprétation des phénomènes, cette audace tranquille dans la généralisation, cette précision dans le langage, cet esprit critique dans l’appréciation de la valeur des résultats acquis. Une question ne lui semblait jamais complètement résolue ; l’intérêt d’une recherche ne lui paraissait jamais épuisé. Il était, dans toute la force de cette magnifique image, « un torrent jamais satisfait ». Personne moins que lui ne s’est payé de mots ; personne n’a mieux compris l’immense distance qui sépare de la vérité nos théories les plus séduisantes ; personne ne s’est fait moins d’illusions sur l’étendue et la solidité du raisonnement humain. Il excellait, dans chaque cas, à dresser le bilan de la connaissance, à distinguer nettement les choses vraiment sues de celles que l’on croyait savoir et qu’en réalité l’on ignorait, les faits indéniables des probabilités ou des vraisemblances. Ce bilan terminé,