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II
VIE DE TERTULLIEN.

un ennemi personnel qu’il faut tenir à la chaîne, si on ne veut pas qu’il se venge de sa défaite.

Mais nous avons déjà anticipé sur l’avenir. Tertullien, orphelin de bonne heure, trouva dans sa mère un guide tendre et éclairé. Doué d’une imagination facile à s’enflammer, d’un esprit pénétrant et naturellement droit, et enfin d’une grande puissance d’élocution, il obtint des succès comme avocat et professeur de rhétorique. Ces deux carrières conduisaient infailliblement aux honneurs. La beauté de son génie les lui promettait s’il fût resté dans le paganisme. Mais à côté de lui grandissait une religion sublime dans ses dogmes, pure dans sa morale, passant des catacombes à l’échafaud et de l’échafaud au triomphe. Il avait senti d’ailleurs le néant de la gloire humaine ; les folles dissipations dans lesquelles il avait précipité sa jeunesse ne lui laissaient que dégoût et amertume. Le christianisme lui offrait de nobles luttes pour y déployer toute l’étendue de ses forces, et un joug salutaire pour comprimer des penchants qui l’avaient maîtrisé jusque-là. Il se sentit donc attiré aux idées chrétiennes, d’abord par ce vide que laisse en nous le désordre, et ensuite par le spectacle de la constance que déployaient les martyrs, en mourant pour la défense de leur foi. La raison lui disait qu’il fallait en croire des témoins, si héroïques et si sincères, et qu’il n’y a qu’une conviction profonde qui souffre et meure pour des faits et des principes.

Ce fut Agrippinus, évêque de Carthage, qui acheva l’œuvre de la conversion de Tertullien, vers l’an 185. Le nom de cet évêque méritait d’être rappelé, pour avoir conquis au christianisme un homme qui en fut long-temps la gloire, avant de rompre si malheureusement avec l’Église. Tertullien se maria l’année suivante à une femme chrétienne. Il écrivit deux livres, qu’il lui adressa quelque temps après son baptême. Le premier est une espèce de testament dans lequel il l’engage, s’il venait à mourir le premier, à vivre dans la continence, et à observer la viduité. Dans l’autre, néanmoins, il se relâche un peu de cette rigueur. Il l’avertit que, dans le cas où elle voudrait se remarier, elle était obligée d’épouser un Chrétien, puisque saint Paul ne permet les secondes noces qu’à cette condition.

Quoique Tertullien dise quelque part qu’il n’avait point de