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IX
VIE DE TERTULLIEN.


qu’on pourrait lui appliquer ce vers du satyrique païen :


Qui Curios simulant et Bacchanalia vivunt.

Toujours est-il que Priscilla et Maximilla quittèrent leurs maris pour se mettre à la suite du sectaire. Bientôt elles prophétisèrent comme lui. En peu de temps l’on vit surgir une multitude de ridicules convulsionnaires, avec les contorsions de l’extase simulée et l’ardeur d’un funeste prosélytisme.

À ceux qui objectaient aux Montanistes que le Saint-Esprit était déjà venu, les hérétiques répondaient que le Saint-Esprit avait inspiré les Apôtres. Mais ils distinguaient le Saint-Esprit du Paraclet. Ce dernier avait inspiré Montan, selon quelques-uns. Suivant d’autres, Montan était le Paraclet lui-même. Le sectaire laissa un livre de prophéties ; Priscilla et Maximilla, certaines sentences. Les adeptes mettaient cette dernière révélation au-dessus de ce qu’avaient enseigné Jésus-Christ et ses disciples.

Les doctrines inexorables que nous exposions tout à l’heure, avaient quelque affinité avec les tendances de Tertullien. Il les embrassa avidement. Les hommes, d’ailleurs, portent au fond d’eux-mêmes je ne sais quel respect pour l’austérité des mœurs, et se laissent prendre volontiers à la puissance du merveilleux et du surnaturel. Qu’il nous soit permis de croire au moins que le prêtre de Carthage, en quittant son drapeau, ne céda qu’à des illusions généreuses.

Dès ce moment sa gloire et son autorité l’abandonnent. Le pape saint Zéphyrin le frappe d’anathème ; ou, si cet anathème est un fait douteux, les Pères de l’Église qui le suivent de loin ou de près parlent de lui comme d’un hérétique. Saint Cyprien, qui l’avait tant chéri, ne veut pas, dans un concile, se servir de son témoignage, parce qu’il a été infidèle à sa foi primitive. « Je ne dis rien de plus de Tertullien, s’écrie saint Jérôme, sinon qu’il a cessé d’être l’homme de l’Église. » Saint Vincent de Lérins ne voit plus en lui qu’un déserteur. Écoutons encore saint Augustin : « Tertullien est tombé dans l’hérésie, parce qu’embrassant la secte des Cataphryges qu’il avait combattus, il condamna comme un adultère les secondes noces, au mépris de la doctrine apostolique. » Enfin tous les éloges se retirent de