Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/193

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impurs qu’il voulait se faire reconnaître pour le Fils de Dieu. Mon Christ seul avait le droit de procéder ainsi. Il avait suscité, avant son apparition, des prophètes pour se faire reconnaître, et par là plus dignes de lui. Répudier les louanges d’un esprit immonde convenait à qui disposait d’une multitude de saints. Mais si le faux messie aspirait à se faire reconnaître, (pourquoi descendre sur la terre, s’il n’y aspirait pas ?) jamais il n’eût dédaigné le témoignage d’aucune créature, même étrangère, parce qu’il n’avait à lui rien en propre, réduit à descendre dans un domaine d’emprunt. Il y a mieux, puisqu’il venait anéantir le Créateur, sa plus ardente ambition eût été d’arracher aux esprits de son rival, l’aveu de ce qu’il était, ou même de se manifester par la terreur, si ce n’est que Marcion ne veut pas que l’on craigne son Dieu, parce qu’il est exclusivement bon, réservant la terreur pour le juge dans les mains duquel sont les éléments de la crainte, colère, sévérité, jugement, vengeance, condamnation. Les démons toutefois ne fuyaient que par frayeur. Ils reconnaissaient donc le Christ pour le Fils du Dieu redoutable. Sans l’arme de la crainte, jamais ils ne se fussent retirés. Ton dieu, en les intimidant par ses ordres et ses menaces, au lieu de les réduire par la persuasion, preuve de la bonté, se donnait donc pour formidable.

— Veux-tu qu’il les reprît parce qu’ils lui témoignaient une frayeur dont il ne voulait pas ?

— Mais alors pourquoi exigeait-il qu’ils se retirassent, chose qu’il ne pouvait obtenir sans les effrayer ? Il a donc été contraint de mentir à sa nature, puisqu’avec l’indulgence dont tu lui fais honneur, il pouvait leur pardonner au moins une fois. Autre prévarication à lui reprocher. Les démons tremblent devant lui comme s’il était le Fils du Créateur, et il l’endure ! Il ne chasse donc plus les démons par sa propre présence, mais par l’autorité du Créateur.

Il s’enfonce dans la solitude. Le désert est comme la