Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/298

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en faveur de la différence des dieux, et ne rabaisse pas plus le Créateur qui n’en guérit qu’un, qu’elle n’assure la prééminence au Christ qui en guérit dix. En effet, qui doutera qu’il n’ait été plus facile d’en guérir un plus grand nombre à qui en avait déjà guéri un, que d’en guérir dix à qui n’en avait jamais guéri un seul par le passé ? Mais, par cette déclaration, il veut surtout attaquer l’orgueil et l’incrédulité d’Israël, parce que, malgré la multitude des lépreux, la présence du prophète, et l’enseignement donné par cet exemple, personne n’était accouru vers le Dieu qui agissait dans ses prophètes. Conséquemment, parce qu’il était l’authentique pontife de Dieu le Père, il examina les lépreux suivant la secrète intention de la loi qui désignait le Christ comme le véritable juge des lèpres humaines et celui qui les dissipait.

Mais il suivit la loi dans la formalité qui obligeait à se montrer. « Allez, montrez-vous au prêtre. » Pourquoi, s’il devait les guérir auparavant ? Etait-ce pour insulter à la loi, en prouvant à des lépreux guéris en chemin que la loi et les prêtres n’étaient rien ? A celui qui peut supposer une pareille idée au Christ de la justifier. Pour nous, donnons à cette injonction une interprétation plus raisonnable et plus appropriée à la foi. Le Christ les guérit, parce qu’il les vit disposés à obéir quand il leur enjoignit de se montrer aux prêtres conformément à la loi. Car il répugne à penser que la fidélité à la loi fut un litre de guérison auprès du destructeur de la loi.

Mais pourquoi ne recommanda-t-il rien de semblable au lépreux qui revint à lui ? Parce qu’autrefois Elysée ne l’avait pas non plus recommandé à Naaman le Syrien, sans que le prophète en fût moins l’instrument du Créateur. Cette réponse peut suffire, mais la foi pénètre plus profondément dans ce mystère. Connais-en donc les motifs. Le miracle avait lieu sur les terres de Samarie, patrie de l’un des lépreux. Or, Samarie s’était détachée d’Israël, entraînant dix tribus dans son schisme, commencé par le prophète