Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/35

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attendu que ces dieux pareils, doubles dans leur individualité, je puis me les rendre propices en ne m’adressant qu’à l’un d’eux. Mon adoration devient un témoignage de leur ressemblance et de leur unité ; j’adore l’un dans l’autre : ce double principe se confond pour moi dans un seul. Adresserai-je mes supplications à un seul ? autre anxiété. En honorant l’un de préférence à l’autre sans tenir compte du dieu superflu, je paraîtrais chercher à couvrir l’inutilité du nombre. Qu’est-ce à dire ? pour sortir d’embarras, je trouverai plus sûr de les supprimer l’un et l’autre que d’honorer l’un des deux avec remords, ou tous les deux sans profit.

VI. Jusqu’ici nous avons raisonné dans l’hypothèse que Marcion établissait deux divinités égales. Car tel est le terrain sur lequel nous nous sommes placé, lorsque vengeur de l’unité divine, nous écartions toute ressemblance, toute parité avec l’être souverainement grand. En démontrant que deux dieux ne peuvent être égaux, en vertu même de l’idée qui s’attache à l’être souverainement grand, nous avons prouvé suffisamment qu’il n’en peut exister deux ; mais telle n’est pas la doctrine du sectaire, il crée deux dieux dissemblables, l’un juge sévère, cruel, ami des combats ; l’autre doux, ami de la paix, bon et excellent.

Examinons également la question sous un autre point de vue. La disparité peut-elle supposer deux dieux si la parité les exclut ? Ici encore, nous invoquerons pour appui la même règle que nous adoptions pour l’être souverainement grand. La divinité repose sur ce fondement inébranlable. En effet, resserrant Marcion dans le cercle qu’il a tracé, et nous armant de ses aveux, il n’a pas plus tôt accordé au créateur la divinité, que nous sommes autorisé à lui répondre : Tes oppositions et ta diversité sont, une chimère. Point de différence entre deux êtres que tu reconnais pour dieux à titre égal. Sans doute des hommes peuvent différer entre eux avec le même nom et la même forme ;