Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/394

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au Dieu créateur, dont le zèle jaloux trompe par l’erreur ceux qu’il n’a pu attirer à lui par la vérité. Si ce n’est pas l’antechrist ainsi que nous l’entendons, c’est donc le Christ du Créateur, comme Marcion l’affirme. Mais que, pour venger la vérité qui lui appartient, il livre son Christ au Créateur, comment l’imaginer ? Marcion nous accorde-t-il qu’il s’agisse de l’antechrist ? Comment admettre, lui dirai-je encore, que Satan, ange du Créateur, lui soit nécessaire pour l’exécution de ses prodiges ? Après la mission de mensonge et d’imposture qu’il exerce au profit du Créateur, comment supposer qu’il soit tué par lui ? En un mot, s’il demeure incontestable que l’ange, la vérité, le salut, appartiennent au Dieu qui s’irrite, se montre jaloux et envoie l’imposture, non pas seulement à ceux qui le méprisent et l’instillent, mais encore à ceux qui l’ignorent, il faut que l’hérétique change de langage et confesse que son dieu s’irrite et se venge comme le noire. Mais chez lequel des deux la colère sera-t-elle plus légitime ? Chez le Dieu qui dès l’origine de toutes choses s’est annoncé à la nature par des œuvres, des bienfaits, des fléaux, des prophéties, témoins qui déposaient en sa faveur, malgré lesquels cependant il n’a pas été reconnu ? Ou bien chez le dieu qui ne s’est manifesté que par un Evangile unique, Evangile incertain et où un autre dieu n’est pas même annoncé ouvertement ? Donc à qui convient la vengeance convient aussi la matière de la vengeance, en d’autres termes, l’Evangile, la vérité, le salut.

« Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger ; » précepte émané de celui qui a voulu « que la bouche du bœuf fût libre pendant qu’il foulait le blé. »

XVII. La constante tradition de l’Église nous atteste que cette épître [1] est adressée aux habitants d’Ephèse, et non à ceux de Laodicée. Marcion néanmoins a essayé d’en changer l’inscription primitive, habile investigateur dans ce

  1. L’Epître aux Ephésiens.