Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/466

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hérétiques les raisonnements qui leur sont communs avec les païens, afin qu’ils appuient leurs propositions par les Ecritures seulement, dès-lors ils ne pourront résister. Le principal caractère du sens commun, c’est la simplicité elle-même, c’est une association de mêmes sentiments, c’est une communauté d’opinions ; et il est réputé d’autant plus fidèle qu’il propose des vérités nues, évidentes et connues de tout le monde. La raison divine, au contraire, pénètre au fond des choses sans s’arrêter à la surface, quelquefois même elle contredit les apparences.

IV. De là vient que les hérétiques commencent loin jours par là ; puis ils s’appuient sur ce que cette communauté de sentiments leur présente de favorable, parce qu’ils savent bien que les esprits s’y laissent prendre aisément. Ne les entendez-vous pas, hérétiques ou païens, déclamer à tout propos et avant tout contre la chair, contre son origine, contre la matière dont elle est formée, contre les accidents, et toutes les infirmités qu’elle éprouve ? « Dans l’origine, disent-ils, elle est immonde par la lie de la terre ; plus tard, elle est plus immonde encore par le limon de sa semence, faible, infirme, vicieuse, chargée de misères, importune. Après tant d’ignominie, elle retourne à la terre, son premier élément, pour prendre le nom de cadavre ; même ce nom de cadavre ne lui demeurera pas long-temps : elle deviendra un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue. Avez-vous bien voire sens, pour chercher à nous persuader que cette chair, dérobée à votre vue, à votre toucher et à votre mémoire elle-même, redeviendra jamais de corrompue intacte, d’impalpable solide, de vide pleine, de rien quelque chose, et cela, quand il faut qu’elle soit rendue par les flammes, par les eaux, par l’estomac des bêtes féroces, par les entrailles des oiseaux, par les poissons, par le gouffre des temps lui-même ? Faut-il espérer que cette chair qui a disparu revienne la même dans