Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/181

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aucun soupçon des misères qui s’accumulaient sur leur tête, jusqu’au moment où le malheureux vieillard fut conduit par la nécessité à leur faire des aveux successifs.

Les dépenses de ce modeste ménage, payées d’abord régulièrement toutes les semaines, ne furent plus soldées et formèrent bien vite un total effrayant. Le vieux Sedley déclara enfin à sa femme, avec une figure bouleversée, que les valeurs qu’il attendait de l’Inde lui avaient fait défaut. Comme celle-ci avait par le passé acquitté ses factures avec une rigoureuse exactitude, deux fournisseurs auxquels cette pauvre femme demandait un délai en témoignèrent durement leur déplaisir, bien qu’ils se montrassent beaucoup plus patients envers des pratiques moins régulières. La petite contribution qu’Emmy payait de si bon cœur sans jamais en demander l’emploi, permit du moins à cette pauvre famille de se soutenir tant bien que mal au milieu des privations et de la misère. Les six premiers mois se passèrent ainsi sans trop de peine, le vieux Sedley présentant toujours une perspective de gains immanquables, et qui devaient remettre ses affaires à flot.

Au bout de six mois l’argent n’arrivait point, et les affaires s’embrouillaient de plus en plus. Mistress Sedley, devenue infirme avec l’âge, était tombée dans la tristesse et l’abattement et passait ses journées à la cuisine, auprès de mistress Clapp, à ne rien dire ou à pleurer. Le boucher devenait intraitable ; l’épicier prenait des airs d’insolence ; le petit George se plaignait des dîners. Amélia se serait bien contentée pour elle d’un morceau de pain, mais elle ne pouvait supporter l’idée que son fils manquait de quelque chose, et elle lui achetait mille petites friandises sur ses économies personnelles, afin que l’enfant ne pâtît point.

Enfin, c’étaient tous les jours de nouvelles histoires telles que les gens dans l’embarras en ont toujours à leur disposition. Une fois, ayant été recevoir sa pension, Amélia demanda à ses parents de lui abandonner un petit supplément sur la somme qu’elle leur comptait afin de pouvoir payer le prix des nouveaux habits qu’elle faisait faire au petit George.

On lui annonça alors que l’on n’avait point encore reçu la rente que Jos était dans l’usage de payer ; qu’il régnait dans la maison un état de gêne dont Amélia aurait dû s’apercevoir de-