Page:Theuriet - La Poésie du Barrois, 1880.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 14 —


On apporte les fruits à pleines panerées
Et leur parfum discret embaume le palier ;
Les ciseaux sont à l’œuvre et les grappes lustrées
Tombent comme les grains défilés d’un collier.
 
Doigts d’enfants, séparez, sans meurtrir la groseille,
Les pépins de la pulpe entr’ouverte à demi !
La douce ménagère, attentive, surveille
Ce travail délicat d’abeille ou de fourmi…
 
Vous êtes son chef-d’œuvre, exquises confitures,
Dès que l’été fleurit les liserons du seuil,
Après les longs travaux : lessives et coutures,
Vous êtes son plaisir, son luxe et son orgueil.
 
Que le monde ait la fièvre et que sa turbulence
S’apaise ou gronde au loin, la tranquille maison
Toujours à la Saint-Jean voit les plats de faïence
Se remplir de fruits mûrs et prêts pour la cuisson.
 
Le sirop frémit et bout. L’air se parfume
D’une odeur framboisée… Enfants, spatule en main,
Enlevez doucement la savoureuse écume
Qui perle et mousse autour des bassines d’airain.
 
Voici l’œuvre achevée. La douce ménagère
Contemple fièrement les pots de fin cristal,
Où la groseille brille aussi fraîche et légère
Que lorsqu’elle pendait au groseillier natal.
 
Ses grappes maintenant bravent l’hiver… Comme elles,
La ménagère échappe aux menaces du temps ;
La paix du cœur se lit dans ses calmes prunelles,
Et son front se conserve aussi pur qu’à vingt ans.

Et notre galette lorraine ? Celle-là aussi a droit de cité dans la poésie et je m’en voudrais de ne pas avoir chanté une pâtisserie aussi appétissante et aussi nationale. J’ai souvent fait venir l’eau à la bouche des Parisiens en leur vantant cette délicieuse galette, et j’ai composé en son honneur ces couplets que je vous demande la permission de vous faire connaître, au risque d’abuser de votre patience :