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la glace de sa chambre, ce reflet d’étoiles qui donne au sonnet Ses purs ongles l’indéfini de son recul :

encor
Que dans l’oubli formé par le cadre se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Les sept lettres mêmes du mot, la sonorité d’or de la rime masculine, la pointe de diamant que darde pour les fixer le monosyllabe de la rime féminine, nous mettent aux yeux la gerbe sans tiges des sept étoiles apparues.

Mais généralement la grande figure, où les images autour d’une dominante s’enlacent et s’organisent, prend un aspect non plastique, souple au contraire, mouvant. On en aura une idée nette en rapprochant en une idéale figure composite les trois qui suivent.

Celle de Londres : « Son brouillard monumental, il ne faudra le séparer de la ville, en esprit ; pas plus que !a lumière et le vent ne le roulent et le lèvent des assises de matériaux bruts jusque par-dessus les édifices, sauf pour le laisser retomber closement, superbement, immensément ; la vapeur semble, liquéfiée, couler peu loin avec la Tamise[1]. »

Celle de l’orgue : « L’orgue, relégué aux portes, il exprime le dehors, un balbutiement de ténèbres énorme, ou leur exclusion du refuge, avant de s’y déverser extasiées et pacifiées, l’approfondissant ainsi de l’univers entier et causant aux hôtes une plénitude de fierté et de sécurité[2]. »

Celle-ci d’Hérodiade :

J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Inviolé, sentir en la chair inutile
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,
Le froid scintillement de ta pâle clarté,
Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle !

  1. La Musique et les Lettres, p. 2.
  2. Divagations, p. 310.