Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corrigé tient à la combinaison de ses voyelles et de ses consonnes. Dans un vers, on s’en souvient, les voyelles sont la chair et les consonnes la charpente. Or ici il s’agit de mettre en la voix du lecteur, comme sur l’oreiller où elle pose, la tête aimée que le vers évoque, ou plutôt qu’il est. L’allitération même du mot tête tient alors le vers tout entier, et ses consonnes ne figurent-elles pas dans la voix la dureté de cette boîte osseuse immédiatement sentie et pesante à la main qui la porte ? Les voyelles adoucies, les assonances claires, le contour de joue que font les accents onduleux et pleins de présomptueux, mettent sur ces os la floraison fraîche d’une chair vivante. Et par la sonorité de trésor, qui termine l’hémistiche, ne voyez-vous pas du jeune visage tomber, dénouée, syllabe métallique, la chevelure dorée ?

Du quatrième vers les deux leçons expriment mêmement la mollesse abandonnée de la tête, la première par sa coupe, par le rejet de diffuse sur le second hémistiche. Probablement Mallarmé trouva diffuse et lueur trop descriptifs et pas assez évocatoires. Dans la seconde leçon, le mouvement de fluence et de caresse part de la longue qui commence le vers : le dactyle initial devient alors fort expressif, et le vers prend plus d’ampleur voluptueuse.

Le premier vers des tercets laisse tomber frivole comme banal et peu suggestif, remplace l’épithète morale par un mot sensuel, le délice, qui s’incorpore au vers par l’assonance. Frivole ! d’ailleurs s’en détachait joliment, tête menue sur l’oreiller.

Le deuxième vers était déjà, dans le premier sonnet, un beau vers. Il devient, dans le second, bien plus curieusement mallarméen. L’assonance de oui et d’évanoui est comme la figure rythmique de l’affirmation. C’est le « je le maintiens » exprimé par la seule langue musicale de l’assonance ; le retienne est dans la chair même du vers avant de s’exprimer à la rime.

Le dernier vers de ce tercet se substitue à un vers assez mauvais. Désolé combat n’apporte qu’une image