Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/297

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nore. Le fond du style poétique d’Hugo et du Parnasse demeure la période classique, ample et puissante, organique et charpentée, cercle qu’un mouvement emplit de sa gerbe. Très indépendamment l’un de l’autre et presque en même temps, Verlaine et Mallarmé substituent à ce cercle une arabesque, l’ampleur continuée et souple d’une phrase musicale, une fuite et une inquiétude du mouvement qui ne s’arrête pas au point où l’arrêt était attendu. Les sonnets de Verlaine, ses poèmes en stances de quatre vers, en offrent l’exemple le plus typique, précisément parce que ce mouvement contredit davantage les arêtes nettes de leur forme technique, par lui visiblement entraînée et disloquée. Les phrases de l’Après-Midi et d’Hérodiade réalisent avec une perfection plus retenue et plus sobre cette ligne de chair et de marbre vivant.

Si la tendance est la même, qui éclot chez Verlaine et Mallarmé, il faut noter pourtant une différence essentielle. Cette ondulation que Mallarmé ne demande qu’aux moyens anciens et strictement poétiques de la coupe, du rejet et du surjet, Verlaine la cherche constamment dans la répétition. Le mouvement repart sur un mot non rejeté, mais répété du vers ou de la strophe antérieure. La ductilité limpide et puérile de la poésie verlainienne nous y fait trouver un grand charme ; mais je ne saurais goûter un poème comme le Soir d’octobre — j’ignore pourquoi morceau anthologique — de Léon Dierx, où un procédé mécanique détruit en voulant les prolonger et les fixer cette souplesse, ce déroulement fluides.

C’est par ces tendances de Verlaine et de Mallarmé que la pente du vers romantique et parnassien lui-même conduisait naturellement au vers libre. Banville trouvait déjà insuffisante la réforme d’Hugo, d’ailleurs estimant que ce que le dieu n’avait pas fait nul désormais ne le pouvait entreprendre. Il regrettait que la césure n’eût pas sombré dans la révolution romantique. La césure de 1830 est comme la monarchie de Louis-