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CHAPITRE IX

LA MUSIQUE

On définit parfois l’originalité de Mallarmé comme une tentative pour faire de la poésie une musique. Ce n’est pas exact. La présence de la musique le hanta, le tourmenta longuement ; mais ses rapports avec elle demeurent complexes.

La Bucolique, des Divagations, nous apporte un aveu personnel. Deux influences se sont succédé sur lui, graduellement : la Nature, la Musique. Jusqu’alors ignorée, la Musique, « un soir d’âge » lui a, dans son « haut fourneau transmutatoire », rendu la nature ; la solitude des forêts, le bûcher des soirs, tout ce qui « éloigne les vapeurs de la désuétude, l’existence, la rue ». En elle, il reconnaît « sans doute, l’arrière mais renaissante flamme où se sacrifièrent les bosquets et les cieux ; là, en public, éventée par le manque du rêve qu’elle consume, pour en épandre les ténèbres comme plafond de temple[1] ».

Cet aveu se confirme de ce que nous savons de lui. Il n’alla à la musique que dans ses dix ou douze dernières années. Au fond il n’était ni plus ni moins musicien que la plupart des poètes. Bien qu’il ne soit pas de poésie sans une conscience toute musicale de la langue,

  1. Divagations, p. 331.