Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/409

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Que de lis multiples la tige
Grandissait trop pour nos raisons.

Et non comme pleure la rive
Quand son jeu monotone ment
A vouloir que l’ampleur arrive
Parmi mon jeune étonnement

D’ouïr tout le ciel et la carte
Sans fin attestés sur mes pas,
Par ce flot même qui s’écarte,
Que ce pays n’exista pas.

L’enfant abdique son extase
Et docte déjà, par chemins,
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d’éternels parchemins.

Avant qu’un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom : Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul[1].

Sous un titre parfaitement vague, le vrai sujet n’est pas indiqué. Comme dans le poème qui servirait de texte au drame idéal, Mallarmé a voulu un « type sans dénomination préalable pour qu’émane la surprise : son geste résume vers soi nos rêves de sites ou de paradis, qu’engouffre l’antique scène avec une prétention vide à les contenir ou à les peindre[2] ». Rêves de sites ou de paradis non pour eux-mêmes, mais comme symbole d’un état humain, ici l’état poétique. La Prose est, dédié à des Esseintes, l’Art Poétique mallarméen. J’en prendrai les stances une à une.

Stance I. — Hyperbole ! Le mot, dans son strict sens

  1. Dans les Notes sur Mallarmé, plaquette de jeunesse par M. de Wyzewa, il existe une glose sur la Prose, que M. Vittorio Pica a reprise de confiance dans Letteratura d’eccezione. Avec son moine Anastase et le reste, elle est de pure imagination : si tel était le sujet, la moitié des strophes du poème n’aurait à lui aucun rapport.
  2. Divagations, p. 148.