Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/72

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Lisons la Déclaration Foraine qui forme vraiment à la Prose pour des Esseintes un pendant. Le Poète, avec une « contemporaine de ses soirs » (celle de la Prose ?) roule en voiture, silencieusement. Le silence est l’hommage pur et parfait à la femme ; mais elle s’en lasse, et invite les lèvres closes au péché de s’ouvrir. Et l’amie ordonne au conducteur de mener la voiture à une fête foraine, proche de là.

La fête foraine ! Le Public ! Allons ! Le Poète ironiquement s’y résout, et voilà le Silence abdiqué.

Dans la cohue, tout à coup, les retient « à l’égal de la nue incendiaire un humain spectacle, poignant ». Simplement une baraque vide, sans enseigne, déjetée, misérable, en haillons... « Celui qui l’installa n’avait rien à montrer que « l’inanité de son famélique cauchemar ». Mais, sachant que dans une fête les sous, comme des yeux plus mobiles, inexplicablement tendent à sortir des poches, pour rien, non pour voir quelque chose, mais pour voir, « lui aussi avait cédé à la convocation du bienfaisant rendez-vous ».

Avez-vous reconnu en cette baraque le « vieux mobilier » de l’Hommage à Wagner, la poésie surannée ?

La femme alors eut un caprice. Battez la caisse, ordonna-t-elle. Et elle entra. Le Poète, séduit vers un dessein qu’à peine il devine, la seconde en criant que tout le monde veuille pénétrer, et que ce n’est qu’un sou, rendu à l’insatisfait. « Le nimbe en paillasson dans le remerciement joignant deux paumes séniles vidé », suit la foule abondante, dans la baraque où la femme émerge, à la hauteur du genou, sur une table.

Elle est là, debout, simplement, la Poésie, et c’est tout « sans supplément de danse ou de chant ». La Foule reste coite, attend sans doute, et le Poète comprend son devoir. Il aspire à descendre la Beauté. « Il n’y avait au monde pour conjurer la défection dans les curiosités que de recourir à quelque puissance absolue, comme d’une Métaphore. Vite, dégoiser jusqu’à l’éclaircissement, sur mainte physionomie, de leur sécurité, qui, ne saisissant