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VI


Le grand style des magnifiques reliures de la Renaissance disparut avec les célèbres bibliophiles auxquels il était pour ainsi dire consacré. Les chefs-d’œuvre aux marques de Henri II et de Grolier ne se reproduisirent plus ; la transformation fut même assez brusque et ne saurait s’expliquer qu’imparfaitement. Renonça-t-on à s’adresser, comme on l’avait certainement déjà fait, aux dessinateurs les plus renommés de l’époque, et pourquoi se priva-t-on de leur précieux concours ? Les habiles doreurs sur cuir et pour meubles, alors les seuls capables d’exécuter ces magnifiques compositions, eurent-ils des exigences auxquelles les libraires-relieurs, limités comme ils le furent toujours par les prix, ne purent souscrire ? Ces derniers préférèrent-ils se servir des doreurs spéciaux pour livres, devenus moins rares et se contentant de salaires plus modestes ? Enfin y eut-il simplement changement de goût ?

On ne sait vraiment à quelle cause attribuer l’abandon presque subit d’un système d’ornementation auquel on devait tant de beaux livres et c’est à peine si quelques rares volumes du temps de Charles IX rappellent, même de loin, l’esprit de ces splendides décorations. Cherchant à simplifier, les semis de lettres couronnées ou non et de fleurs diverses seront considérés comme suffisamment riches et, pendant un temps, les amateurs s’en contenteront.

Mais on devait bientôt se relâcher de cette espèce de rigorisme, sans revenir toutefois aux anciens errements, car, livrés à eux-mêmes, les doreurs de livres n’auront plus recours aux maîtres dessinateurs dont la main exercée obéissait librement à l’inspiration ; ils chercheront eux-mêmes leurs effets, à l’aide du compas, dans des combinaisons géométriques répétées symétriquement pour les besoins des raccords.

C’en est fait du beau style des reliures de la Renaissance ; on ne reverra plus ces compositions hardies et d’un caractère


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