Page:Thoinan - Les Relieurs français, 1893.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


d’autant mieux cette attribution qu’aucun autre nom de relieur ne se présente à l’esprit pour lui disputer avec vraisemblance le mérite de l’initiative. Mais il n’en est pas tout à fait de même pour une autre création qu’on lui prête également, création d’autant plus intéressante qu’elle a, au point de vue de l’histoire de la décoration des livres au xviiie siècle, une valeur artistique réelle : nous voulons parler de ces fameuses dentelles à très riches rinceaux, encadrant les volumes avec élégance et formant en somme une ornementation décorative parfaite et du goût le plus pur. C’est le style qui dominera tout le xviiie siècle et qui doit se classer à côté des entrelacs à feuillages et spiraléa fleuries, des encadrements intérieurs avec bouquets aux petits fers et des entrelacs avec filigranes.

Il est peut-être de quelque intérêt de rechercher qui fut le créateur de cette admirable décoration, mais il est à craindre de ne pouvoir y réussir et, comme cela nous est arrivé souvent, d’avoir encore à conclure par l’anonymat le plus complet.

Nous avons vu, hélas ! que les plus habiles doreurs du moment n’avaient en réalité que de très sommaires notions du dessin, si toutefois ils en avaient les moindres. Appelant à leur aide un dessinateur de profession pour leurs mosaïques, ils auraient dû le faire pour chaque volume, ce qui, avec les outils à graver, les aurait conduits à des frais que les prix qu’on leur payait alors ne leur permettaient vraiment pas de supporter ; mais ici il s’agissait d’une combinaison possible, et qui bien comprise devait donner des résultats très variés tout en restant absolument pratique.

On s’adressa donc à un dessinateur de talent, ayant l’esprit inventif et de plus habitué dans ses créations à obéir aux besoins professionnels de l’art pour lequel on sollicitait son inspiration. Ces nécessités pratiques de métier étaient du reste faciles à résoudre, et la seule difficulté consistait à trouver non seulement une jolie composition, d’un effet décoratif certain, mais un ensemble qui permît au doreur de pouvoir former d’autres combinaisons analogues avec les mêmes fers changés de place et disposés différemment.