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ii. — rivalen et blancheflor

excellait en toute chevalerie. Comme toujours il remporta la plus grande louange, car les damoiselles et les dames assemblées sans nombre l’admiraient et disaient[1] :

S manque.
G 702-17.
† « Ah ! quel vaillant chevalier ! Qui de vous sait d’où il vient ? quel est son nom ? Voyez comme son écu semble collé à son bras ! Voyez comme l’épée lui sied au poing ! Voyez comme il porte fièrement la tête ! À la bonne heure serait née celle qu’il aimerait ! ».

S reprend.Car telle est la nature des femmes : elles prisent moins la retenue et la réserve que leurs plus surprenants désirs, et souvent souhaitent ce qu’elles ne peuvent avoir, et laissent et méprisent ce qu’elles ont[2]. Ainsi en advint-il

  1. S dit simplement, « que toutes les femmes désiraient posséder le preux, bien qu’elles ne l’eussent jamais vu, et qu’elles ne connussent ni son origine, ni sa race, ni son nom ». Je crois pourtant que les propos de ces femmes étaient rapportés en style direct dans l’original, parce que G et E s’accordent à les faire parler : « Les unes, dit E, demandaient qui était le preux qui remporterait le prix du tournoi. Les autres répondaient que le meilleur était celui-là, le jeune seigneur d’Ermenie ». J’ai donc introduit dans le texte quelque chose des discours que leur prête Gottfried, et dont le mouvement rappelle si singulièrement ce passage du Chevalier au Lion, v. 3199 ss. :

    « Haï ! con vaillant chevalier !
    Con fet ses anemis pleissier !
    Con roidement il les requiert !…
    Veez or Cornant cil se prueve,
    Veez com il se tient an ranc,
    Veez com il portaint de sanc
    Et sa lance et s’espee nue !
    Veez comant il les remue !
    Veez, quant il vient an l’estor,
    Com il a po son escu chier,
    Que il le leisse detranchier !… »
    Et dient que buer seroit nee
    Cui il avroit s’amor donee !

  2. Ces réflexions rappellent exactement ces vers de Thomas :

    E les dames faire le solent :
    Laissent ço qu’unt pur ço que volent,
    Asaient com poent venir
    A lor voleir, à lor désir.

    cf. tout le passage, v. 285 ss.