Page:Tiercelin - Bretons de lettres, 1905.djvu/302

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menaçaient Youen de certain châtiment paternel au retour.

— Non ! dit Brizeux, mon grand chapeau est bien mieux ainsi ; j’ai eu ce que je méritais. Et pas un mot au père Rodallec ! Viens-t’en, Youen, que je t’embrasse !

Il ne faudrait pas croire pourtant que cette bonté de Brizeux ne fût que sensiblerie et enfantillage. Elle était profonde et sérieuse : il était de ceux que la peine des autres fait souffrir.

Un soir d’hiver qu’il était à table chez Rodallec, il entend du bruit dans la rue, un bruit inusité à cette heure ; il s’informe : c’était un homme du village de Kergroac’h-Skiriou qui arrivait entré deux gendarmes, un homme qui passait pour honnête jusque-là, un pauvre homme de ceux sur qui les soupçons tombent vite. Certaine vieille femme avare, ne retrouvant plus son argent caché, avait accusé cet homme de le lui avoir pris ; et on l’avait arrêté sans plus de façons. Brizeux s’indignait que, sans preuves, sur un simple soupçon, on pût flétrir un brave homme. Quelle ne fut pas sa douleur en apprenant que ce malheureux était veuf et que ses trois enfants, tous jeunes, étaient restés seuls au logis. Vite, il achète un pain de dix livres, et le porte à ces petits qu’il