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— Étienne, voyez. Les jacinthes !

Elles fleurissaient dans l’herbe courte où les dernières violettes venaient de se flétrir, où rougiraient bientôt les premières petites fraises, égrenant au pied des arbrisseaux, entre les feuilles jaunes de l’an passé, leurs clochettes bleu de lin ou mauve pâle. Leur parfum pénétrant était plus fin dans le plein air, mêlé à l’arôme des herbes et des feuillages. C’était une surprise charmante que le printemps réservait aux amoureux, loin des sentiers plats, des routes battues où passent les paysans et les familles. Le ravin tout entier était couvert d’un tapis de fleurs violet tendre, délicieuses à voir, délicieuses à respirer, comme un coin de pays féerique, une petite Brocéliande entre Chaville et Meudon. Étienne s’assit sur un tertre. Jacqueline, à genoux, cueillait les jacinthes dont elle remplissait sa capeline, profonde comme un panier. Bientôt lasse, elle s’accouda, puis s’étendit, les bras repliés sous sa tête brune dans un mouvement qui dessina la ligne pure de son corps, la rondeur de sa gorge tendue comme une double coupe sous l’étoffe légère. Les paumes de ses mains gardaient l’odeur des fleurs écrasées. Un moment, elle sonda la profondeur du ciel, haut, disait-elle.