Page:Tinayre - La Rancon.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais de notre faute ! Vous ne le voudriez pas, vous, si bon… Et je sais que vous les aimez, que leur malheur empoisonnerait votre joie, que vous vous effaceriez devant eux, si la nécessité m’imposait un choix… Ah ! je ne puis supporter cette pensée sans que tout se déchire dans mon triste cœur, cœur d’amie fraternelle, cœur de mère, cœur d’amante. Et pourtant, Étienne, je suis à vous. Je me donne par ma libre volonté, acceptant l’avenir quel qu’il soit, le bonheur, le malheur, la mort même. Je ne me reprendrai jamais, ami chéri. Certes, il est beau d’être héroïque, et vous l’avez été longtemps. Ne me méprisez pas de ne point savoir l’être. Je sais mieux sentir que raisonner. Je sais aimer, surtout. Vous l’avez vu, depuis tant de mois d’intimité affectueuse, je puis mettre dans la folie de la passion assez de dévouement et de tendresse pour l’élever au-dessus d’un vulgaire amour. Près de vous, dans l’admiration fanatique que je vous ai vouée, j’ai appris que la médiocrité des sentiments nous est défendue et que notre amour doit être infini, admirable, ou n’être pas… Vous ne m’avez pas séduite, cher bien-aimé. Je suis venue à vous comme on va vers la lumière, vers le bonheur, vers la beauté. J’ai incarné en