Page:Tinayre - La Rancon.djvu/30

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du ciel. Il lui semblait qu’un bonheur allait entrer dans sa vie.

« J’aurais tant désiré une sœur, une sœur beaucoup plus jeune que moi, affectueuse et docile ! La différence du sexe met une nuance plus douce dans le sentiment fraternel. Si je pouvais réaliser avec Jacqueline ce rêve d’une tendresse inconnue aux amitiés d’hommes, la chérir, la guider, recevoir ses confidences, l’aider à voir la beauté et l’harmonie de la vie… Mais est-ce possible ? L’immense majorité des hommes affirme que non. Mais la majorité c’est la médiocrité… Bah ! je n’ai plus vingt-cinq ans et il y a beau temps que je ne redoute plus les vertiges des sens et les chimères romanesques de la première jeunesse. L’amitié que je conçois est supérieure à l’amour même, car elle donne tout sans demander rien. Oui, je veux tenter de devenir l’ami de Jacqueline. Je la connais trop bien, je la juge trop équitablement pour rien craindre d’elle. C’est une enfant gâtée ; elle peut devenir une femme intelligente et généreuse. »

Il entra dans son cabinet de travail et trouva sur la table le cahier blanc tout prêt, attendant l’article promis au Journal des Arts. Le piano supportait la partition des Amours du poète.