Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/185

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la fondiez au niveau des basses mers. Et immédiatement il formula cette pensée dans un décret. Le décret (7 juillet 1811) portait qu’une tour en maçonnerie, ayant un axe de trente-cinq toises, et faite pour recevoir dix-neuf canons de 56, serait établie, non pas sur l’emplacement de la batterie, mais construite derrière elle, de manière à en être abritée. Cette tour devait s’élever sur un terre-plein fait de pierres perdues, mais être maçonnée à partir de la ligne des eaux à marée basse.

On voit que ce décret du 7 juillet 1811 ne condamnait pas le système suivi jusque-là ; il portait, au contraire, textuellement que la batterie existante devait être conservée, et les talus qui la bordaient soigneusement entretenus. Il n’indiquait point qu’on pût opposer au choc direct de la mer, au lieu d’un amas incliné de blocs, une muraille verticale en maçonnerie. Il ne faisait emploi de la maçonnerie que pour construire dans le sein d’une mer déjà plus tranquille et dans un lieu déjà abrité par des ouvrages non maçonnés, placés en avant d’elle et qu’on devait entretenir avec soin. Toutefois, cet usage en grand de la maçonnerie à la digue et d’une maçonnerie fondée à la ligne des basses mers, était déjà un grand progrès : c’était le premier pas dans la bonne voie ; il fut dû à la volonté spontanée de Napoléon lui-même, dont le génie touchait déjà, pour ainsi dire, la vérité sans pouvoir encore la saisir. La tour fut fondée, ainsi que l’ordonnait l’Empereur ; elle s’élevait déjà au-dessus de la ligne des bautes mers, lorsque les malheurs de 1815 vinrent interrompre les travaux. Elle est restée immobile sur ses fondements jusqu’aujourd’hui.

Onze ans s’écoulèrent ; la Restauration semblait avoir entièrement oublié la digue. Un nouveau désastre la lui rappela. Pendant ces onze ans, la batterie, bien qu’abandonnée à elle-même, n’avait pas été détruite ; elle s’était dégradée de plus en plus, mais, dans son ensemble, elle avait résisté. En 1824, la mer se fit enfin jour dans l’intérieur de cet ouvrage et le