Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/204

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En reculant les fortifications, on avait assuré au port militaire une superficie de huit cent cinquante mille mètres carrés. Aussitôt que la place de l’arsenal eut été ainsi conquise, on s’occupa à la remplir par de vastes établissements. La loi de 1841, qui consacra à Cherbourg’ cinquante-deux millions, donna une dernière et puissante impulsion à tous les travaux. Ceux qui étaient en projet furent commencés, ceux qui étaient entrepris lurent poussés avec plus d’ardeur ; et sans avoir encore atteint le but vers lequel on marchecdepuis soixante ans, on s’en approche. La fin de cette grande entreprise est facilitée par deux circonstances très-heureuses qui avaient manqué à son commencement. A la tête des immenses travaux qui restaient à faire a été placé un ingénieur habile, actif, énergique et intègre, M. Reibell, dont la main puissante les fait tous marcher à la fois sans qu’ils se gênent ni se ralentissent et qui jouit, de ce rare bonheur de terminer une grande oeuvre dans un temps où tant d’hommes s’épuisent à en ébaucher de petites. La seconde circonstance qui assure un grand résultat à tant de dépenses et à tant d’efforts, est l’union qui s’est enfin établie entre la marine et la guerre. A vrai dire, l’histoire des travaux de Cherbourg, depuis l’origine jusqu’en 1858, n’avait guère été que le long récit des batailles livrées par ces deux administrations. A partir de 1858, les hostilités ont cessé ; aujourd’hui on voit régner entre elles non-seulement la paix, mais la bienveillance et l’harmonie ; l’amour du bien public a dominé chez ceux qui les dirigent l’amour-propre de corps : spectacle presque aussi rare peut-être dans son genre que celui que peuvent présenter les travaux de la digue et de l’arsenal.

Quoique les travaux de Cherbourg exigent encore, pour être complets, beaucoup d’argent et quelques années, on peut considérer l’œuvre comme accomplie, car le principal objet qu’on se proposait est déjà atteint et ce qui reste à faire n’offre point de difficultés. La valeur que représente-