Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/341

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individuel a tant d’importance, par rapport au trésor public et à l’avenir même de la réforme des criminels, que la Chambre nous permettra de nous y arrêter un moment.

Au point de vue de la réforme, ou dit : les professions exeicées dans une prison cellulaire sont nécessairement en très-petit nombre ; or, il faut que les professions enseignées dans une prison soient très-variées, afin que chaque détenu mis en liberté puisse trouver les moyens de vivre en travaillant.

Le nombre des métiers qui peuvent s’exercer dans la solitude est sans doute limité ; mais c’est une erreur de croire qu’il est très-petit. La commission a eu sous les yeux la liste d’un grand nombre lie professions profitables, et qu’un homme peut exercer étant seul. A mesure que la division du travail devient plus grande, et que chaque détail du même produit est confectionné à part, le nombre de ces travaux solitaires augmente. On compte treize professions dans la seule prison de la Roquette, qui n’est habitée cependant que par des enfants.

Il ne faut pas s’exagérer, d’ailleurs, la nécessité qu’il peut y avoir à multiplier les métiers dans les lieux de détention, aliu que tous les libérés qui en sortent puissent exercer au dehors celui qu’ils y ont appris. Les comptes de la justice criminelle nous apprennent que plus du tiers des accusés appartient aux classes agricoles. L’agriculture est leur véritable industrie ; il n’est pas désirable qu’ils la quittent pour entrer dans les carrières industrielles déjà encombrées. Plus du cinquième ont des professions industrielles qu’ils peuvent reprendre à leur sortie. Parmi le reste, les uns n’ont point de profession, et plusieurs n’ont pas besoin d’en avoir pour vivre, ou ne peuvent pas, à cause de leur éducation, vivre d’une profession manuelle. Un voit donc que, pour le plus grand nombre, la profession qui est apprise en prison est inutile en liberté et pourrait peut-être devenir nuisible ; et, quant aux autres, celle que leur enseigne en prison peut leur suffire. Il est de notoriété, parmi les hommes pratiques, que même aujourd’hui, où l’instruction professionnelle dans les prisons est aussi variée qu’elle peut l’être, la grande majorité des libérés n’exerce point en liberté le métier qu’on leur a enseigné en prison. Il est cependant très-nécessaire d’apprendre un métier au détenus, non pas seulement afin de les mettre en état d’exercer ce métier au dehors, mais afin de leur