Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/372

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qu’il y avait sans doute beaucoup d’écrivains qu’il était convenable de ne point astreindre au travail ; mais qu’en laissant l’appréciation de ce fait au juge, on avait suffisamment répondu à ce besoin ; qu’d y aurait un très-grand inconvénient à faire plus ; qu’indiquer qu’il y avait une espèce de délit qui, par lui-même et indépendamment des circonstances, méritait à ses auteurs des égards particuliers, était dangereux ; que c’était accorder d’avance une sorte de privilège légal que ne reconnaissait pas le code et que la raison ne saurait admettre ; qu’enfin, c’était porter une atteinte profonde à nos lois pénales.

La Commission, messieurs, après avoir paru quelque temps partagée, a fini par décider, à la majorité de cinq contre quatre, qu’il ne serait apporté aucune modification à la législation existante en matière de délits de la presse.

La Commission, après avoir examiné quel.serait le nouveau système d’emprisonnement, dans quelles maisons il convenait de l’introduire, et à quels détenus on l’appliquerait, s’est demandé s’il ne devait pas réagir sur la durée des peines.

Plusieurs membres ont vivement contesté qu’il dût en être ainsi. Suivant eux, il y avait beaucoup d’exagération dans l’idée qu’on se faisait des rigueurs du régime cellulaire. En tous cas, les effets que ce régime devait produire étaient encore trop peu connus pour qu’il fût convenable, en diminuant la durée des peines, de porter une atteinte indirecte au code pénal. La majorité de la Commission n’a pas été de cet avis.

Elle a pensé que le mode d’emprisonnement et la durée de l’emprisonnement sont deux idées corrélatives qu’on ne saurait séparer. Il est évident que, pour atteindre le même résultat, un emprisonnement dont le régime est doux doit être plus long, et un emprisonnement dont le régime est dur, plus court. Modifier le régime sans toucher à la durée, c’est vouloir que la loi pénale soit cruelle ou impuissante.

Cette vérité générale paraîtra surtout applicable dans le cas présent, si l’on examine l’état actuel de notre législation, et si l’on songea la nature particulière du nouveau régime d’emprisonnement qu’il s’agit d’admettre.

Il est hors de doute que les rédacteurs du code pénal n’ont jamais prévu que chaque condamné dût être placé dans l’isolement.