Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/450

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par un immense réseau dont les mailles, très-serrées à l’ouest, vont s’élargissant à mesure qu’on remonte vers l'est. Dans le Tell de la province d’Oran, la distance moyenne entre tous les postes est de vingt lieues. Par conséquent, il n’y a presque pas de tribu qui ne puisse y être saisie le même jour, de quatre côtés à la fois, au premier mouvement qu’elle voudrait faire.

On peut encore discuter pour savoir si les postes sont tous placés où ils doivent l’être pour rendre le plus de services (nous parlerons de cette question à propos d’un crédit spécial), il est permis de rechercher s’il ne serait pas convenable d’accroître la force de quelques-uns, en diminuant celle de quelques autres. Mais on est d’accord que l’effectif de l’armée d’Afrique suffit très-largement à l'organisation de tous les postes nécessaires, et qu’à l’aide de ces postes, on est sûr de rester toujours maîtres du pays aujourd’hui conquis. Cette vérité, messieurs, est importante, et elle valait la peine d’être constatée.

Nous ne voulons point exagérer notre pensée. Nous ne prétendons pas dire qu’à l’aide de l’effectif actuel l’Algérie puisse lutter contre tous les périls qui pourraient naître d’une guerre étrangère, ni même qu’elle soit à l’abri des funestes effets que pourraient produire les passions ou les fautes de ceux qui la gouverneront désormais. Si l’on faisait dans le Petit-Désert des expéditions et des établissements inutiles, il est probable que l’effectif, quelque considérable qu’il soit, aurait de la peine à suffire. Si, contrairement au vœu exprimé à plusieurs reprises par les Chambres, et, nous pouvons le dire, aux lumières de l’expérience et de la raison, on entreprenait d’occuper militairement la Kabylie indépendante, au lieu de se borner à en tenir les issues, il est incontestable qu’il faudrait accroître bientôt le chiffre de notre armée ; enfin, si, par un mauvais gouvernement, par des procédés violents et tyranniques, on poussait au désespoir et à la révolte les populations qui vivent paisiblement sous notre empire, il nous faudrait assurément de nouveaux soldats. Nous n’avons pas voulu prouver le contraire. Il n’y a pas de force matérielle, quelque grande qu’elle soit, qui puisse dispenser les hommes de la modération et du bon sens. La tâche du gouvernement est d’empêcher de tels écarts ; ce n’est pas la nôtre. Tout ce que nous voulons dire est ceci : longtemps on a ignoré quelles étaient les vraies limites de notre domination et de