Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/507

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des des chances de mort, que l’enfuit né sur les rivages de la Provence, par exemple, et placé dans des circonstances analogues ? Cette comparaison a été faite ; elle n’a point été de nature à justifier les craintes qu’on exprime.

Que la Chambre nous permette donc d’écarter toutes les raisons qui pourraient faire croire qu’on ne doit point coloniser en Afrique, pour concentrer son attention sur le seul point de savoir quelle méthode de colonisation il convient de suivre.

Le moyen le plus efficace pour bien comprendre ce qu’il faut faire, est de bien savoir ce qui a été déjà fait. Ce qui existe aujourd’hui en matière de colonisation, est le point de départ nécessaire de toutes les résolutions qui sont à prendre. Parlons d’abord de la zone maritime, qui est la véritable zone de colonisation, et occupons-nous de la province d’Alger.

Autour de trois villes indigènes, rebâties en partie et peuplées aujourd’hui principalement par les Français, Alger, Coléah et Blidah, plusieurs fermes européennes et un assez grand nombre de villages ont été déjà entrepris ou fondés. Tandis que les campagnes qui avoisinent Alger et Blitlah se peuplaient lentement, et que les populations agricoles y languissaient, comme nous le dirons tout à l’heure, Alger et Blidah faisaient voir une prospérité extraordinaire. Le nombre des habitants s’y accroissait avec rapidité, de nouveaux quartiers s’y élevaient sans cesse ; de grandes fortunes s’y créaient d’un jour à l’autre par la vente des terrains à bâtir ou le louage des maisons nouvellement bâties.

Depuis près d’un an, une crise financière et industrielle des plus violentes a atteint ces villes, en a arrêté l’essor, y a ralenti et presque arrêté le mouvement des affaires.

Cette crise tient à plusieurs causes[1] que nous n’avons pas à re-

  1. On a attribué cette crise à beaucoup de causes diverses : aux embarras financiers des places de France, qui ont ralenti le mouvement des capitaux français vers l’Afrique, aux inquiétudes que la dernière insurrection des indigènes a répandues, au ralentissement des travaux publics dans la colonie, aux payements tardifs ou incomplets qui ont été faits par l’Etat à ses entrepreneurs, ou même à ses ouvriers, et enfin aux retards qui ont été apportés à l’établissement d’un comptoir de la Banque. On ne saurait nier que tous ces faits n’aient exercé une influence considérable sur l'événement ; mais la cause principale qui l'a fait naître est plus générale et plus simple. Il ne faut la chercher que dans l’excès de la