Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/16

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se meuvent, mais je n’ai pas le droit d’en conclure que le sifflement et le mouvement des roues sont la cause du mouvement de la locomotive.

Les paysans disent, quand le printemps vient tard, qu’il soufflera un vent froid parce que le chêne bourgeonne ; et en effet, à chaque printemps, quand le chêne bourgeonne, il souffle un vent froid. Mais bien que j’ignore pourquoi il fait un vent froid quand le chêne bourgeonne, je ne puis croire avec les paysans que la cause du vent froid soit l’éclosion des bourgeons du chêne. Je ne puis le croire parce que la force du vent est hors de l’influence du bourgeonnement. Je vois seulement une coïncidence de faits, comme il s’en rencontre dans chaque phénomène vital, et je crois que j’aurais beau observer et étudier attentivement l’aiguille de la montre, la soupape et les roues de la locomotive, les bourgeons du chêne, je ne connaîtrais pas la cause du carillon, du mouvement de la locomotive et du vent de printemps. Pour cela, il me faut changer mon point d’observation et étudier les lois du mouvement de la vapeur, de la cloche et du vent. L’historien doit agir de même. Et de pareilles tentatives ont déjà été faites.

Pour étudier les lois de l’histoire, nous devons changer tout à fait l’objet de l’observation, laisser tranquilles les rois, les ministres, les généraux, et étudier les éléments communs, infiniment petits, qui guident les masses. Personne ne peut dire jus-