Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/252

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petites mains au cafetan de Pierre qui la tenait assise sur son bras, et elle regardait tout autour d’elle, comme un petit animal sauvage.

Pierre la regardait de temps en temps et lui riait un peu. Il lui semblait découvrir quelque chose de touchant et d’innocent dans ce petit visage effrayé, maladif.

Le fonctionnaire et sa famille n’étaient plus à l’endroit qu’ils occupaient précédemment. Pierre marchait rapidement parmi les gens, en regardant les divers visages qu’il rencontrait.

Il remarqua involontairement une famille grouzine ou arménienne composée d’un vieillard très beau au type oriental, vêtu d’un touloupe neuf et chaussé de bottes neuves, d’une vieille femme de même type et d’une jeune femme. Cette jeune femme parut à Pierre le type parfait de la beauté orientale avec ses sourcils fins, noirs, son visage allongé, extraordinairement doux et beau, sans expression.

Dans la foule, sur la place, au milieu des effets entassés, dans son riche vêtement de soie et son fichu lilas clair qui lui couvrait la tête, elle faisait penser à une fragile plante de serre jetée sur la neige. Elle était assise sur des paquets, un peu derrière la vieille, et ses grands yeux noirs immobiles, longs, aux longs cils, regardaient les soldats. On voyait qu’elle se savait belle et qu’elle en avait peur. Son visage frappa Pierre et, dans sa hâte, en passant