Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/360

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tendre sans sangloter. Mais tôt ou tard il fallait en venir là, et elle entra dans la chambre. Les sanglots montaient de plus en plus à sa gorge pendant que, de ses yeux myopes, elle distinguait son corps et cherchait ses traits. Mais tout à coup elle aperçut son visage et leurs regards se rencontrèrent.

Il était couché sur le divan, entouré d’oreillers, en robe de chambre fourrée de petit-gris. Il était maigre et pâle. Une de ses mains maigres, blanches, transparentes tenait un mouchoir, l’autre tirait la fine moustache qui avait poussé. Ses yeux regardaient ceux qui entraient.

Quand leurs regards se furent rencontrés, la princesse Marie, tout à coup, ralentit son allure et sentit ses larmes se sécher, ses sanglots s’arrêter : l’expression du visage et du regard qu’elle avait saisie, tout d’un coup l’intimidait et la faisait se sentir coupable.

— Mais de quoi suis-je coupable ? se demanda-t-elle.

— De ce que tu vis et penses aux vivants, et moi !… répondait le regard froid, sévère.

Dans le regard profond, lointain, quand, lentement, il regarda sa sœur et Natacha, il y avait presque de l’hostilité.

Il embrassa sa sœur et lui serra la main comme à l’habitude.

— Bonjour, Marie, comment es-tu arrivée jus-