Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/160

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grit, et pour qui se porte mal, c’est la mort. Ainsi moi, par exemple, je n’ai plus de forces, fit-il tout à coup résolument, en s’adressant au sergent. — Envoie-moi à l’hôpital, la fièvre m’a pris partout, autrement tout de même je reste en route.

— Voyons ! Voyons ! fit avec calme le sergent.

Le soldat se tut et les conversations reprirent.

— On en a pris aujourd’hui de ces Français, et pas un seul n’a de vraies bottes ; il n’y a que le nom… — se mit à dire un des soldats.

— Ce sont les Cosaques qui les ont déchaussés. On a préparé l’isba pour le colonel ; on les a mis dehors. Ils font pitié à voir, dit celui qui battait la semelle.

— On les a remués : alors il y en avait un de vivant, et vois-tu… il parle dans sa langue.

— Et ils sont propres ! reprit le premier. Ils sont blancs comme le bouleau. Et il y en a de très braves parmi eux, de très nobles.

— Eh ! tu crois ? On en rencontre chez eux de toutes les classes.

— Et ils ne comprennent rien, pas un mot de notre langue, fit le danseur avec un sourire de surprise.

— Je lui demande à quelle couronne il appartient, et il jabote en sa langue. C’est un peuple étonnant !

— Ce qui est étonnant…, continua celui qui s’était extasié sur leur blancheur, les paysans racontent