Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce que j’ai assurément gagné, c’est la liberté, commença-t-il sérieusement ; mais il ne poursuivit pas, trouvant ce sujet de conversation trop personnel.

— Et vous faites rebâtir votre maison ?

— Oui, Savélitch me l’a conseillé.

— Dites-moi, ne saviez-vous rien de la mort de la comtesse quand vous êtes resté à Moscou ? dit la princesse Marie, et aussitôt elle rougit en remarquant que dans cette question posée après ce qu’il venait de dire de sa liberté il pouvait croire qu’elle attribuait à ses paroles une portée qu’elles n’avaient pas.

— Non, répondit Pierre sans être gêné de l’interprétation que donnait la princesse Marie à sa mention de la liberté. Je l’ai appris à Orel et vous ne pouvez vous imaginer combien cela m’a frappé. Nous n’étions pas des époux modèles, — fit-il rapidement en regardant Natacha et remarquant sur son visage la curiosité de savoir comment il parlerait de sa femme — mais cette mort m’a beaucoup frappé. Quand deux personnes se fâchent, les deux ont toujours tort ; et le tort de celui qui reste devient tout d’un coup très pénible devant la personne qui n’existe plus ; et puis une pareille mort, sans amis, sans consolation… Je la plains beaucoup, beaucoup.

Il remarqua avec plaisir une approbation joyeuse sur le visage de Natacha.