Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/227

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Natacha, qu’il lui avait parlé ? » Peut-être l’ai-je rêvé, peut-être entrerai-je et ne verrai-je personne ? » Mais à peine dans la chambre, par tout son être, par la perte de la libre disposition de sa personne, il sentit sa présence. Elle était dans la même robe noire à plis gracieux et coiffée comme la veille, mais elle était tout autre. Si la veille elle eût été ainsi, il l’aurait reconnue aussitôt.

Elle était telle qu’il l’avait connue presque enfant, ensuite fiancée du prince André. Ses yeux brillaient gais et interrogateurs, son visage avait une expression tendre et étrange.

Pierre aurait voulu rester après le dîner, mais la princesse Marie allait à l’office et Pierre sortit avec elle.

Le lendemain, Pierre revint très tôt pour le dîner, et passa chez elle toute la soirée. Malgré que la princesse Marie et Natacha fussent très contentes de cette visite, et bien que tout l’intérêt de la vie de Pierre se concentrât maintenant dans cette maison, vers le soir leur conversation s’épuisait et passait sans cesse d’un sujet infime à l’autre et souvent s’interrompait.

Ce soir-là Pierre resta si tard que la princesse Marie et Natacha se regardèrent entre elles, se demandant quand il se déciderait à partir. Pierre le voyait et ne pouvait s’en aller. Il était mal à l’aise, se sentait gauche, mais restait toujours parce qu’il ne pouvait pas se lever et s’en aller. La princesse