Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/236

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XXI

Depuis le soir que Natacha avait appris le départ de Pierre et, avec un sourire joyeux et moqueur, avait dit à la princesse Marie : il a l’air de sortir du bain… et le petit veston… et les cheveux coupés…, depuis ce moment quelque chose de caché et d’inconnu à elle-même, mais d’invincible, s’éveillait en elle.

Son visage, sa démarche, son regard, sa voix, tout se modifiait soudain. La force de la vie, l’espoir d’un bonheur qu’elle ne soupçonnait pas en elle se montraient à l’extérieur et demandaient à être satisfaits. Depuis ce jour, Natacha parut oublier tout ce qui lui était arrivé. Pas une seule fois elle ne se plaignit de son sort, elle ne dit pas un mot du passé et ne craignit plus de faire des plans joyeux d’avenir. Elle parlait très peu de Pierre, mais quand la princesse Marie prononçait son nom, une lueur, éteinte depuis longtemps,