Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/253

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que lui, ne prononcent pas les paroles qu’ils devraient dire pour garder le pouvoir et perdre l’adversaire.

Le hasard, des millions de hasards lui donnent le pouvoir et tous les hommes semblent s’être entendus pour consolider sa fortune. Les hasards forment les caractères des gouvernants français de ce temps qui se soumettent à lui.

Les hasards forment le caractère de Paul Ier qui reconnaîtra son pouvoir, le hasard fait contre lui une conjuration qui non seulement ne lui nuit pas mais consolide son pouvoir. Le hasard lui envoie le duc d’Enghien et le lui fait tuer, en convainquant la foule, par ce meurtre plus que par tout autre moyen, qu’il a le droit parce qu’il a la force. Le hasard fait qu’il réunit toutes ses forces pour faire une expédition en Angleterre, expédition qui lui serait néfaste, mais il ne peut jamais la réaliser, et, par hasard, il tombe sur Mack et ses Autrichiens qui se rendent sans se battre.

Le hasard et le génie lui donnent la victoire sous Austerlitz et, par hasard, tous, non seulement les Français, mais l’Europe entière, sauf l’Angleterre qui ne prend pas part aux événements qui s’accomplissent, tous les hommes, malgré l’ancienne horreur et le dégoût pour ses crimes, reconnaissent maintenant son pouvoir, le titre qu’il s’est donné et son idéal de grandeur et de gloire qui semble à tous quelque chose de beau et de raisonnable.