Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/300

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parlait jamais, le supposant jaloux du souvenir du prince André) et, très rarement, quand, par hasard, quelque chose l’entraînait à chanter, plaisir qu’elle avait délaissé depuis son mariage. Et dans ces moments rares, où le feu d’autrefois s’enflammait dans son beau corps, elle était encore plus attrayante qu’auparavant.

Depuis son mariage, Natacha vivait avec son mari à Moscou, à Pétersbourg, à la campagne près de Moscou et chez sa mère, c’est-à-dire chez Nicolas.

Dans le monde on voyait très peu la jeune comtesse et ceux qui la rencontraient se montraient déçus : elle n’était ni gracieuse ni aimable. Ce n’est pas qu’elle aimât la solitude (elle ne savait pas au juste si elle l’aimait ou non), mais mettant au monde et allaitant des enfants, participant à chaque moment de la vie de son mari, elle était obligée de renoncer au monde. Tous ceux qui connaissaient Natacha avant son mariage étaient étonnés comme d’une chose extraordinaire du changement qui s’était opéré en elle ; seule la vieille comtesse, qui, par instinct maternel, avait compris que tous les transports de sa fille n’avaient d’autre cause que le besoin d’un mari, d’une famille, comme elle le criait à Otradnoié avec plus de vérité qu’elle se l’imaginait, seule la mère était surprise de l’étonnement des gens qui ne comprenaient pas Natacha, et elle répétait qu’elle avait toujours été convaincue que Natacha serait une épouse et une mère modèle :