Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/349

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période la plus heureuse soit au commencement ! dit tout à coup Natacha. Au contraire, c’est maintenant le meilleur temps. Si seulement tu ne t’absentais pas ! Tu te rappelles comment nous nous sommes querellés ? Et j’étais toujours coupable. Toujours moi. Et pourquoi ?

— Toujours la même chose, dit Pierre en souriant, jalouse…

— Ne dis pas cela. Je ne puis le supporter ! s’écria Natacha, et un regard froid, méchant, brilla dans ses yeux. — L’as-tu vue ? ajouta-t-elle après un court silence.

— Non, et même si je la voyais je ne la reconnaîtrais pas.

Ils se turent.

— Ah ! tu sais : quand tu parlais dans le cabinet de travail, je t’ai regardé, commença tout à coup Natacha, évidemment pour chasser le nuage. Le garçon (elle appelait ainsi son fils) te ressemble comme deux gouttes d’eau. Attends, il est temps d’aller chez lui. Quel dommage de s’en aller…

Ils se turent quelques secondes, ensuite, tout à coup et en même temps ils se tournèrent l’un vers l’autre et se mirent à dire quelque chose. Pierre commençait avec entrain, Natacha avec un sourire doux et heureux. En se rencontrant tous les deux se laissèrent le passage.

— Non, que veux-tu dire, parle, parle…

— Non, dis, toi, moi, rien, fit Natacha.