Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/420

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la mère avait faim, que le soldat était dans les rangs, etc., ces actes paraissent plus libres.

De même l’homme qui, il y a vingt ans, a commis un meurtre et qui, après cela, a vécu tranquille et sans nuire à la société nous paraît d’autant moins coupable que son acte est plus soumis à la loi de la nécessité pour celui qui l’examine vingt ans après, et plus libre pour celui qui examine ce même acte le lendemain de son exécution.

De même chaque acte d’un fou ivre ou très surexcité paraît moins libre et plus soumis à la loi de la nécessité pour celui qui connaît l’état d’âme de l’auteur de l’acte, et plus libre et moins soumis à la nécessité pour celui qui ne le connaît pas. Dans tous ces cas, la conception de la liberté augmente ou diminue suivant qu’augmente ou diminue la conception de la nécessité dépendant du point de vue duquel on examine l’acte. De sorte que plus la nécessité nous paraît grande, moindre est la liberté, et inversement.

La religion, le bon sens humain, la science du droit et l’histoire elle-même comprennent de la même façon ce rapport entre la nécessité et la liberté.

Tous les cas, sans exception, dans lesquels augmente ou diminue notre représentation de la liberté et de la nécessité n’ont que trois bases :

1o Le rapport de l’auteur de l’acte envers le monde extérieur ;

2o Envers le temps ;