Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loi éternelle selon laquelle les événements s’accomplissent ; du point de vue personnel, nous sommes convaincus du contraire. L’homme qui tue un autre homme, Napoléon qui donne l’ordre de passer le Niémen, vous et moi en adressant une requête pour entrer au service, en levant et abaissant la main, nous tous sommes absolument convaincus que chaque acte a pour base des causes raisonnables et notre volonté, et qu’il dépend de nous d’agir de telle ou telle autre façon. Et cette conviction nous est propre et chère à tel point que malgré les raisonnements de l’histoire et de la statistique criminelle (qui nous convainquent de l’absence de volonté dans les actes des autres hommes), nous répandons la conscience de notre liberté sur tous nos actes.

La contradiction paraît insoluble. En commettant l’acte, je suis convaincu d’agir par ma volonté ; en examinant tel acte dans le sens de sa part dans la vie générale de l’humanité (dans son sens historique), je suis convaincu que cet acte était prédestiné et inévitable. Où est l’erreur ? Les observations psychologiques sur la capacité de l’homme de sous-entendre rétrospectivement, momentanément, sous le fait accompli, une série de raisonnements soi-disant libres (ailleurs, je l’exposerai en détails), confirment la supposition que la conscience de la liberté de l’homme dans l’accomplissement d’actes d’une certaine sorte est erronée.