Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/48

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ne put le lui refuser. En le laissant partir, le général se rappela un acte fou de Pétia à la bataille de Viazma : Au lieu d’aller par la route à l’endroit où il était envoyé, il s’était dirigé par la ligne, sous le feu des Français, et là avait deux fois tiré du pistolet. Aussi, au départ de Pétia, le général lui avait-il expressément défendu de participer à n’importe quelle action de Denissov. C’est pourquoi Pétia avait rougi quand Denissov lui avait demandé s’il pouvait rester.

Avant d’arriver à la lisière de la forêt, Pétia croyait strictement de son devoir de retourner immédiatement, mais quand il vit les Français, quand il vit Tikhone, quand il apprit que, pendant la nuit, il y aurait une attaque, avec la mobilité propre aux jeunes gens, il décida que son général, que jusqu’alors il respectait beaucoup, n’était qu’un sale Allemand, que Denissov était un héros ainsi que le capitaine et Tikhone, et qu’il serait honteux de les quitter au moment critique.

Le crépuscule tombait déjà quand Denissov, Pétia et le capitaine arrivèrent à la chaumière. Dans la demi-obscurité on apercevait des chevaux sellés, des Cosaques, des hussards qui arrangeaient de petites baraques sur la plaine et (pour que les Français ne vissent pas la fumée) faisaient du feu dans les ravins de la forêt. Dans le vestibule de la petite isba, un Cosaque en manches retroussées découpait du mouton. Dans l’isba se trouvaient trois officiers